L’agrobusiness a le vent en poupe en Espagne. En ces temps d’incertitude économique, les investissements agricoles ont fortement augmenté ces dernières années. En 2022 on a même battu des records, avec plus de 155 000 transactions réalisées sur des biens fonciers agricoles.
L’Espagne rurale est à la mode. En 2022, l’achat et la vente de fermes rustiques ont atteint des niveaux jamais vus depuis 15 ans.
Ce ne sont pas des données occasionnelles: les investissements agricoles ont explosé au cours des deux dernières années. Derrière ce rebond, ce n’est pas tant la vocation à s’engager dans le monde rural comme alternative d’avenir, mais plutôt un nombre croissant d’investisseurs qui se lancent pour racheter des entreprises du secteur primaire et des terres agricoles simplement parce qu’elles sont rentables, et sont devenus un produit d’investissement.
« Dans d’autres zones, comme aux États-Unis ou en Australie, ce sont des actifs matures, mais l’agriculture en Espagne et au Portugal n’a pas toujours été visible pour les investisseurs. Cependant, cela a changé, il a mûri, il est désormais beaucoup plus technologique et cela a facilité l’entrée d’investisseurs institutionnels qui y voient une alternative à moyen et long terme », explique Héctor Rodríguez, « directeur associé » d’Agribusiness – qui s’apparente à un appel à l’investissement agricole – du cabinet de conseil CBRE Espagne. Une alternative, indiquent-ils, moins chère car les prix payés pour investir en Australie ou en Californie, par exemple, doublent ceux de l’Espagne.
Regino Coca est le fondateur du site web Cocampo, spécialisé dans la vente et la location de biens fonciers ruraux. Un an après son lancement, la plateforme bénéficie de l’embellie du secteur qui est devenu une valeur refuge pour les investisseurs.
« D’une part, nous avons des fonds d’entreprise qui investissent, en particulier dans l’agriculture irriguée. Ils ont trouvé une opportunité dans les investissements agricoles en misant sur la technologie et en obtenant, grâce à des économies d’échelle et la gestion de grandes exploitations, une plus grande rentabilité. D’autre part, il y a les particuliers qui, après la pandémie, ont trouvé à la campagne, une alternative d’investissement plus attrayante que la maison de plage traditionnelle », explique Regino Coca.
« Les terres agricoles sont considérées comme une valeur refuge. Elles se réévaluent plus lentement mais conservent mieux leur valeur. »
« Ceux qui investissent dans le secteur savent qu’ils continueront à posséder leurs terres dans 30 ans », conclut Regino Coca.
Selon les professionnels du secteur, il y a plusieurs facteurs qui expliquent l’essor des investissements agricoles, comme l’instabilité économique et géopolitique, la volatilité des marchés financiers, l’inflation, la hausse des taux d’intérêts ou la demande mondiale croissante de nourriture. Mais la pandémie a joué aussi un rôle important car de nombreux Espagnols veulent désormais se mettre au vert.
Enfin, les terres agricoles sont un actif immobilier offrant une stabilité en termes de valeur, qui a généré des rendements moyens au cours des cinq dernières années entre 0% et 2,5% pour la majorité des types de cultures et des taux de rentabilité globale, hors taxes et subventions, qui oscillent entre 4 % pour les pâturages et pâturages et 11 % pour les produits de serre. Ces dernières affichent la valeur unitaire la plus élevée parmi les grands groupes de cultures analysées : 157 000 euros par hectare (€/ha), selon les expertises de Tinsa.
Ce sont quelques-unes des données contenues dans le rapport Terres agricoles en Espagne 2022, préparé à partir du vaste échantillon d’évaluations de Tinsa, la plus grande société d’évaluation de propriétés rurales en Espagne, avec plus de trois millions d’hectares évalués depuis 2008.
De la culture de l’olive à l’élevage ou au terrain de chasse
Les biens acquis sont variés. Les nouveaux acteurs présents sur le marché, à savoir les fonds d’investissements, les grandes entreprises et grandes fortunes, privilégient surtout les vastes exploitations agricoles irriguées en super-intensif, plus rentables, et destinées à la culture de l’olive, les pistaches, les amandes, les noix, les vignes, mais aussi l’avocat, le kaki, les agrumes ou les fruits rouges. Ils ont investi principalement en Andalousie, en Castille et la région de Valence.
Les investisseurs plus traditionnels, qui étaient déjà présents sur le marché, continuent de miser sur les parcelles agricoles non irriguées. Mais outre l’agriculture, certains achètent aussi des propriétés destinées à l’élevage, la chasse ou les loisirs. Quant à l’avenir des investissements agricoles, les professionnels sont persuadés que les terrains rustiques vont continuer à prendre de la valeur, d’autant que l’Espagne est l’un des principaux producteurs agroalimentaires de l’Union européenne.
Source: France Info